Une nouvelle avenue juridique pour les femmes prostituées prestataires de l’aide sociale?

Les femmes qui sont en situation de prostitution ou qui en sont sorties ont théoriquement accès au programme d’aide sociale, bien qu’elles soient minoritaires à en faire la demande en raison de divers obstacles qui traversent leur chemin. Cependant, il arrive qu’à la suite d’une enquête, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale réclame aux prestataires des sommes pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaine de milliers de dollars pour ne pas avoir déclaré des revenus provenant de la prostitution.

Ces réclamations participent selon Martine B. Côté et Martin Gallié à maintenir dans la prostitution les femmes qui souhaiteraient en sortir. Leur recherche les a amenés à étudier les recours adressés au Tribunal administratif du Québec pour faire annuler de telles réclamations. Rares sont les décisions du Tribunal qui donnent effectivement raison aux femmes. Leur recherche témoigne d’une incompréhension des enjeux relatifs à la prostitution par les divers acteurs du système juridique et plus particulièrement d’un arbitraire dans la détermination des sommes réclamées:

«  Dans une affaire, par exemple, les décideurs ne disposent comme preuve de prostitution que d’une annonce publiée pendant des mois dans un journal et d’un numéro de téléphone qui correspond à l’adresse d’une personne qui a des activités de prostitution. Le Tribunal prendra alors en considération les dépenses de la personne en matière de « publicité », ses baux, ses factures pour considérer qu’il y a une présomption qu’elle avait des revenus non déclarés puisque les dépenses excèdent les ressources, et confirmer la réclamation de 7 528,68 $. »

Malgré ce tableau peu reluisant, Martine B. Côté et Martin Gallié croient qu’une nouvelle avenue juridique pourrait être empruntée par les femmes pour s’opposer à de telles réclamations et défendre leur droit à l’aide sociale. L’introduction de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation pourrait permettre aux acteurs juridiques de mobiliser la Charte des droits et libertés pour démontrer que ces réclamations constituent une peine cruelle qui porte atteinte à la dignité des femmes concernées et contrevient aux objectifs de la Loi. L’État agirait ici comme un proxénète: « […] en réclamant des sommes dont il sait de facto qu’elles ne pourront être remboursées qu’illégalement, et très probablement par la prostitution, non seulement l’État québécois empêche tout projet de réinsertion en violation de la loi fédérale, mais il tire profit, de surcroît, de la prostitution. »

Cette avenue reste à explorer par les acteurs du système judiciaire…