Une loi qui a révolutionné notre façon de penser la prostitution

Dans son texte d’opinion publié dans le journal La Presse Martine B. Côté, Doctorante en droit et coautrice de Faire corps – Guerre et paix autour de la prostitution comme fatalité explique comment l’adoption du projet de loi C-36 (LPCPVE) en décembre 2014 a introduit au Canada le modèle suédois en matière de prostitution, inversant ainsi le fardeau de la criminalité en ciblant les clients et les proxénètes plutôt que les personnes prostituées.

« En décembre 2014, dans un contexte de débats difficiles, le Canada adoptait le modèle suédois en matière de prostitution par l’entremise du projet de loi C-36. La version canadienne de ce modèle législatif est loin d’être parfaite, mais dans son essence, cette loi est, pour moi, révolutionnaire… parce qu’elle révolutionne notre façon de penser la prostitution.

Comme partout ailleurs, la population canadienne se dit que la prostitution existe depuis la nuit des temps et qu’elle existera toujours. Ce modèle législatif refuse ce postulat.

Cette loi dit que dans la majeure partie des situations, la prostitution est une forme d’exploitation à laquelle on peut mettre fin ; elle révolutionne notre capacité à imaginer un autre monde, à penser autrement les causes de la prostitution.

Que, pour reprendre des termes capitalistes, c’est parce qu’il y a une demande qu’il y a une offre de prostitution. Et non l’inverse.

Depuis maintenant 10 ans, le fardeau de la criminalité en matière de prostitution a été inversé : les infractions criminelles concernent le fait de tenter d’obtenir des services sexuels (clients) et de tirer des avantages de la prostitution d’une autre personne. Les personnes qui vendent, tirent avantage ou font la publicité de leurs propres services sexuels bénéficient quant à elles d’une immunité de poursuite (art. 286.5 du Code criminel).

Et cette « approche asymétrique » se traduit de façon claire dans les poursuites judiciaires. Ce ne sont plus les femmes qui font l’objet de poursuites, mais les proxénètes et les clients.

Le nombre de femmes jugées devant les tribunaux pour des infractions relatives à l’interférence ou à la communication pour la prostitution a baissé de 97 % dans les cinq premières années d’application de la loi par rapport aux cinq années ayant précédé son adoption1.

Une seule infraction au Code criminel peut encore concerner les personnes qui vendent des services sexuels et c’est la communication pour la prostitution dans des endroits bien précis, soit près des terrains d’école, des terrains de jeux ou des garderies. Cette infraction plutôt improbable, disons-le, devrait être abrogée pour respecter le principe qu’en aucun cas, une femme en situation de prostitution ne devrait être criminalisée.

Heureusement, depuis 2014, à Montréal, par exemple, aucune personne n’a été inculpée de cette infraction2. Aucune. Zéro. Parce que la loi a donné ce mot d’ordre général indiquant que le Canada ne considère plus les personnes qui vendent des services sexuels comme des personnes « à punir », comme c’était malheureusement le cas auparavant.

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