La décision Kloubakov : le modèle législatif canadien en matière de prostitution est constitutionnel  

Dans une décision unanime, la Cour suprême a confirmé la constitutionnalité de deux articles du Code criminel liées à la prostitution. La question consistait à déterminer si ces deux articles, avantage matériel et proxénétisme, ont une portée trop large et empêchent les personnes qui vendent leurs propres services sexuels de prendre des mesures pour assurer leur propre sécurité. 

Rappelons les faits : Mikhail Kloubakov et Hicham Moustaine, qui travaillaient pour une agence d’escortes, ont été déclarés coupables de bénéficier d’un avantage matériel provenant de la prestation de services sexuels (art. 286.2), et celui d’amener une personne à offrir ou à rendre des services sexuels moyennant rétribution, aussi appelé le proxénétisme (art. 286.3).  

La Cour suprême a jugé que les deux infractions n’empêchent pas les personnes prostituées de prendre des mesures pour assurer leur sécurité et ne violent pas le droit à la sécurité de la personne garanti par l’article 7 de la Charte. Elle tranche donc ce débat sur la possibilité pour les personnes prostituées d’embaucher du personnel (chauffeur, réceptionniste, etc.) sans que ces personnes soient inculpées. La Cour précise que ces services de sécurité ou de gestion ne doivent pas se tenir« dans le cadre d’une entreprise commerciale qui offre des services sexuels moyennant rétribution » (al. 286.2(5)e)); ni lorsqu’une personne fournit « des drogues, de l’alcool ou d’autres substances intoxicantes » à une personne en vue de l’aider ou de l’encourager à vendre des services sexuels (al. 286.2(5)c)).  

La Cour suprême a aussi rappelé l’un des objectifs de la loi canadienne en matière de prostitution (Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation) : protéger les personnes prostituées contre les tiers qui commercialisent la vente de services sexuels. Cette décision pourrait notamment avoir des conséquences sur l‘existence même des agences d’escortes… À suivre!

Un extrait de la décision :

« Correctement interprétées suivant le principe moderne d’interprétation législative, les infractions concernant respectivement l’avantage matériel et le proxénétisme permettent aux personnes travailleuses du sexe, ou à tout individu qu’elles embauchent, de prendre les mesures de sécurité envisagées dans l’arrêt Bedford, comme utiliser des lieux fixes situés à l’intérieur, retenir les services de tiers pour atténuer les risques pour la sécurité, rendre des services sexuels en collaboration avec d’autres personnes travailleuses du sexe, ou se donner l’une l’autre des conseils sur les conditions de travail sécuritaires. Par conséquent, ni l’une ni l’autre des infractions ne mettent en jeu la sécurité de la personne des travailleuses et travailleurs du sexe. »  

R. c. Kloubakov, 2025 CSC 25  

Pour lire la décision : https://decisions.scc-csc.ca/scc-csc/scc-csc/fr/item/21132/index.do