L’inaction du personnel soignant face à l’exploitation sexuelle

Malgré le fait que la plupart des personnes ayant été victimes de trafic sexuel consulteront un médecin pendant leur exploitation, très peu seront identifiées par le personnel soignant.

Les Espaces VIE présentent des témoignages des survivantes et survivants de l’exploitation sexuelle. Parmi ceux-ci, un témoignage dédié aux professionnels de la santé fait écho à une récente recherche menée auprès de survivantes de traite de personne et d’exploitation sexuelle faite par des chercheurs de l’Université McGill.

En analysant les expériences d’accès aux soins des survivantes dans la région du Grand Montréal et leurs interactions avec les professionnels de la santé, la recherche Sex trafficking survivor’s experience with the heatlhcare system during exploitation démontrent que les professionnels de la santé de première ligne ne réussissent pas à lire les signaux d’alarme et qu’ils ferment trop souvent les yeux sur la condition des victimes d’exploitation sexuelle.

Selon l’auteure principale de la recherche, l’infirmière Johane Lorvinsky, le constat est le même partout dans le monde : alors que la plupart des personnes ayant été victimes de trafic sexuel consulteront un médecin pendant leur exploitation, très peu seront identifiées par le personnel soignant. Il s’agit une occasion perdue de fournir un soutien, des ressources et des services appropriés.

Son étude éclaire les besoins de cette population de patients en soulignant l’importance de la formation du personnel soignant. Les résultats soulignent que la plupart des difficultés rencontrées par les survivantes de la traite pour accéder aux soins et aux ressources sont modifiables grâce à l’éducation et à la formation des professionnels de la santé. L’étude contient également des conseils concrets pour améliorer les soins et le soutien tout au long du processus de sortie.

L’équipe de chercheurs a réalisé sept entrevues approfondies semi-structurées auprès de victimes d’exploitation sexuelle participant au programme Les Survivantes du SPVM conçu pour soutenir le parcours de sortie des personnes victimes de la traite.

Voici quelques constats de l’étude :

  • les personnes victimes de traite qui accèdent aux soins ont une confiance fragile envers les professionnels de santé
  • cette confiance, nécessaire aux conditions de divulgation, peut être renforcée par un approche sans jugement ou être endommagée par des comportements stigmatisants
  • le personnel soignant a de nombreuses opportunités de mener des examens complets et de questionner la traite de trafic sexuelle, il doit apprendre à observer et reconnaitre les signaux de la traite : comportement étrange, niveau élevé
  • les services de santé destinés à cette population doivent être calqués sur des approches de réduction des risques axées sur l’action et les besoins des victimes, indépendamment de leur désir de sortir de la traite.
  • les survivantes ont identifié la nécessité d’une planification de sortie centrée sur l’action et les besoins holistiques des personnes victimes de la traite,

Loin de vouloir jeter la pierre à ses collègues, Johane Lorvinsky veut plutôt répandre le message que «la plupart des barrières, des obstacles à l’identification de ces femmes-là, sont toutes modifiables», insiste-t-elle en entrevue à La Presse Canadienne.