La Suède fait un pas de plus dans sa volonté de diminuer la prostitution

Par Martine B. Côté – 30 mai 2025
Le Parlement suédois a adopté en mai dernier un projet de loi visant à interdire l’achat d’actes sexuels en ligne tels que ceux qui s’achètent via des plateformes comme Onlyfans. Les changements législatifs concernent l’achat de contenus personnalisés et non l’abonnement à un compte. Lors de l’adoption du projet de loi, la députée Sanna Backeskog a affirmé que vendre des actes sexuels devant une caméra est « souvent une porte d’entrée vers une prostitution plus grave et une vie caractérisée par la maltraitance, la dépendance et des problèmes de santé. Cela peut également avoir un effet engourdissant et normatif sur la personne qui commet l’achat de services sexuels, comme une porte d’entrée vers une exploitation sexuelle plus grave des femmes et une vision encore plus déformée des femmes. »
Qu’en est-il au Canada ?
Chez nous, la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation (LPCPVE), criminalise depuis 2014 l’achat de services sexuels (art.286.1) afin de réduire la demande de prostitution.
Est-ce que des actes sexuels qui se déroulent en ligne sont interdits par la loi ?
La Cour du Québec a eu à se pencher sur cette question dans l’affaire Prévost. Dans cette affaire, la défense faisait valoir que l’accusé ne pouvait pas être accusé de proxénétisme puisque la vente de « services sexuels » dans lesquels il aurait impliqué la présumée victime se sont déroulés via un écran interposé ; le client étant en Alberta et la plaignante au Québec. Pour la défense, «[la plaignante] n’offrait pas son corps, mais projetait une représentation de son corps, une virtualisation, une sonorité, une image. C’est la différence marquée qui le sort du royaume du spectacle vivant […], que cette barrière virtuelle la fait échapper au danger inhérent de la pratique de la prostitution. »
Dans son analyse, la juge réfute cet argument et adhère plutôt aux arguments du poursuivant à l’effet que la plaignante a tout de même subi des atteintes à sa sécurité physique et psychologique. La juge rappelle également l’intention du législateur de réduire la demande pour la prostitution et criminalisant l’achat de services sexuels. Ainsi, parce que :
- Ce client verse plusieurs sommes d’argent en échange d’actes sexuels qui seront exécutés à sa demande par la plaignante
- À chacun de ces appels, soit environ une dizaine, la plaignante se plie aux désirs du client en vue d’obtenir la rétribution attendue ;
- Ces actes sexuels sont perpétrés « en direct » par opposition à être « enregistrés » au préalable. De ce fait, la plaignante interagit avec ce client en lui rendant des faveurs sexuelles
- […]
La juge écrit que : « Ce n’est pas parce que la plaignante et le client de l’Alberta sont ensemble « virtuellement », plutôt que « physiquement », que les activités auxquelles ils s’adonnent ne sauraient constituer et répondre à la définition de « services sexuels ». Cela dépend des faits et du contexte. » R. c. Prévost 2024 QCCQ 4666
Reste à voir si cette interprétation de la notion de « services sexuels » fera jurisprudence.